Balades en Petite Montagne

Cela faisait plusieurs jours que j'entendais et que parfois j'apercevais un faisan de la fenêtre de ma chambre. Ce matin, la mauvais temps marquant une pause, je suis allée voir ça de plus près.

A première vue, rien dans les prés. En attendant mieux, j'obervais les habituels étourneaux, pinsons, mésanges. Un kek kek caractéristique et assez proche m'a avertie que j'étais sur la bonne voie : juste le temps de voir un beau faisan piéter vers le pré voisin en traversant une haie. Tout en m'éloignant, j'ai contourné l'obstacle, pour pouvoir observer sans déranger. J'ai mis un moment à le retrouver :

Le voilà reparti en sens inverse.

Je reprends le chemin pour tenter de le retrouver en observant par une trouée de la haie bordant le pré, et là :

J'en trouve deux !

Leurs plumages sont légèrement différents. Ce sont des faisans dits "de Colchide". La variabilité vient des multiples croisements faits dans les élevages depuis des siècles. Ces faisans n'ont jamais été sauvages dans nos régions. Ils viennent à l'origine de Cochide (côte est de la Mer Noire en Turquie actuelle) et ont été introduits en Europe pour la chasse il y a longtemps, peut-être depuis le moyen âge...

Ces deux-là ne connaissent probablement la liberté que depuis peu. Espérons qu'ils en profitent encore un peu. Contrairement à ce que j'avais déjà observé, ces deux mâles ne manifestaient aucune agressivité l'un envers l'autre. Au contraire, ils picoraient de concert.

J'avais un peu l'impression d'observer des volailles de basse-cour... Encore quelques minutes et je les ai perdus de vue suite à la dénivellation du terrain.

Ça tombait bien, j'étais en fin de batterie, et pour la changer, il faut que j'enlève l'appareil photo de son support, et donc que je refasse les réglages ensuite... C'est le moment qu'a choisi un chevreuil (sans doute dérangé plus haut) pour traverser les prés en diagonale, sauter élégamment deux haies, continuer dans un champ labouré et disparaître dans un bosquet. Pas de regrets : dans ces cas-là, je préfère regarder et il était de toutes façons trop rapide pour la digiscopie...

En Petite Montagne, de nombreuses prairies ou jardins sont bordés de haies naturelles faites d'espèces bien de chez nous. Autant de refuges pour les oiseaux, qui y trouvent gîte et couvert. A l'automne, la variété des fruits sauvages est impressionnante. Voici tous ceux que j'ai trouvés au bord de mon chemin, en parcourant à peine une centaine de mètres.

Aubépine monogyne

Cornouiller sanguin

Eglantier

Fusain

Nerprun purgatif

Ronce des bois (mûre)

Troène

C'est ça la biodiversité, un vrai plaidoyer contre les haies stériles de thuyas !

... à suivre...

A trois pas de la maison, ça fait plusieurs années de suite que des mésanges charbonnières nichent dans le creux du tronc d'un vieux pommier. Toute la journée, on voit les adultes aller et venir inlassablement pour apporter des proies à leur progéniture affamée. Je rêvais de les photographier à la sortie du nid. Mais, en digiscopie avec un compact, je n'ai pas d'autre choix que d'utiliser le retardateur pour obtenir des photos à peu près nettes. Il m'a donc fallu un peu de calcul, un peu de chance, et de nombreux essais pour avoir quelques images valables.. sur lesquelles une mésange apparaît.

Sur 76 photos, j'ai bien eu 65 images du trou dans l'arbre :

Et sinon, il y a celles-ci :

Celle-ci part en emportant un sac fécal. Elles font aussi le ménage.

Il faudra que j'indique le spot à mon photographe animalier préféré pour qu'il puisse venir une autre fois faire beaucoup mieux que moi...

Cette fois, les orchis bouc (Himantoglossum hircinium) qui poussent près de la chapelle de Chisséria sont en fleurs. Leurs langues se déplient :

A la sortie du bouton, la "langue" se déroule lentement et en garde une élégante vrille.

En contrebas de la chapelle, dans une ancienne parcelle autrefois cultivée, j'ai trouvé un rond d'orchidées, des orchis bouc et des hommes pendus.

J'étais toute contente de cette trouvaille. Une telle densité sur trois mètres de diamètre est plutôt rare, six pieds d'orchis bouc en tout. Malheureusement, lorsque je suis repassée quelques jours plus tard, ce terrain avait été fauché. Une fois de plus, la fauche supprime toute chance de reproduction et de dissémination.

Je n'avais jamais vu autant d'orchis bouc que cette année. Cette espèce me semblait putôt rare par ici jusque là. Je commence à me demander si l'abondance apparente de ce printemps ne vient pas tout simplement du fait que le mauvais temps a retardé la fauche des prairies et bords de routes.

Profitant d'un éclaircie en fin de journée, je suis allée "recenser" les orchidées autour de la chapelle de Chisséria. J'ai été étonnée d'y découvrir de nouvelles espèces, probablement favorisées par le débrousaillage récent sur le devant de la chapelle. Sur le plateau (géologiquement un ancien delta) et ses abords, j'ai trouvé pas moins de 8 espèces différentes. Une bonne surprise.

J'ai commencé du côté amont par aller revoir les probables orchis qui m'avaient intriguée. Il s'agit bien de plusieurs individus d'une seule et même espèce commune, Orchis mascula, qui revêt là des fleurs de tailles et de nuances différentes, me faisant douter de son identification. Reprendre la clé à zéro, ça peut pas faire de mal...

Par là, j'ai aussi découvert un seul Ophrys insectifera :

  Pendant que j'étais penchée sur mon guide naturaliste, un chevreuil est passé à trois mètres de moi ! J'ai eu juste le temps de percevoir un "mouvement roux" et d'entendre ses bonds derrière les buis. Lorsque je me suis relevée doucement, je l'ai vu arrêté en contrebas, regardant dans ma direction. Pour une fois, c'était moi l'observée. Je suis retournée à ma recherche et je l'ai laissé tranquille.

Sans surprise, l'Orchis militaris est présent :

Au milieu du plateau, fleurissent des orchis brûlés, que j'avais appris comme Orchis ustulata et qu'il faut maintenant nommer Neotina ustulata subsp. ustulata :

C’est alors que j’ai dû résister à une montée d’adrénaline lorsque j’ai vu encore une fois (ça à l’air d’être une pratique courante par ici) un homme promener son chien en voiture. C'est-à-dire que le gars est tranquillement assis au volant, conduisant au ralenti, alors que son chien (de chasse !) court à côté. Il faut bien que Toutou garde la forme jusqu’à l’ouverture. Pour le maître, c’est accessoire. Il y a belle lurette que les chasseurs ne marchent plus par ici…

 Celui-ci est allé décrire une belle courbe dans la grande herbe du plateau, sans scrupule aucun, évitant de peu l’un des derniers orchis bouc rescapés…

… les autres ayant été tondus devant la chapelle :

J’en ai trouvé cinq coupés comme celui-ci. Il y a deux ans, la fauche du bord de la route (pas primordiale pour ce chemin vicinal) avait supprimé un orchis bouc avant floraison. L’an dernier, les branchages provenant du débroussaillage avaient été entassés juste à l’endroit où poussaient les deux seuls individus que j'y connaissais. Cette année, je n’en avais jamais vu autant… mais coupés. Une des recommandations de Natura 2000 est justement la fauche tardive. Je pense qu’il ne s’agit pas ici de mauvaise volonté mais d’un manque d’information. Peu de gens savent qu’il existe des orchidées ailleurs que chez les fleuristes. Heureusement, j’ai trouvé deux Himantoglossum hircinium intacts dans la pente débroussaillée. Ils sont en boutons.

Dans les pentes, la pleine lumière a profité aux Orchis antropophora, aussi appelés hommes pendus, qui sont devenus abondants :

Il n'est pas sûr que cette lumière plaise autant aux céphalanthères à longues feuilles (Cephalanthera longifolia) :

  Il en est de même pour la discrète listère ovale (Listera ovata) :

  Et voilà, huit espèces dans un rayon de 200 mètres, ça fait plaisir !